Pour ses promoteurs, ce travail constitue ni plus ni moins “le seul inventaire européen de ce genre réalisé“. Une synthèse remise aux autorités de 359 attestions de malades, évoquant des symptômes de gravité diverse, que ces signataires attribuent à la présence d’éoliennes dans leur environnement. L’éolien reste évidemment un important sujet de conflits dans l’un des départements qui en comptent le plus.
Les témoignages ont été recueillis depuis 2021 auprès d’habitants de l’Aisne par une figure locale de la lutte contre l’éolien : Valérie Bernardeau, présidente de l’association Sos Danger Éolien. “J’ai su qu’il y avait des problèmes de santé. Je suis allée dans des villages entourés d’éoliennes et j’ai fait les maisons une par une, en porte-à-porte“, raconte l’intéressée.
Selon les artisans de ce travail, “l’échantillonnage s’est fait dans un rayon de 30 km autour de Marle“, secteur où l’on trouve une importante présence d’éoliennes. “Les gens sont mal, mais ils ne comprennent pas pourquoi. Quand on parle, ils font le lien avec l’éolien. Certaines personnes n’ont rien et d’autres tout. Ça commence toujours quand les éoliennes sont montées”, poursuit Valérie Bernardeau.
Si le nombre de témoignages reste relatif au regard des 53 0000 habitants du département, Valérie Bernardeau s’en montre pourtant satisfaite. “Cela n’a pas été facile, il a fallu convaincre. Plus du double des personnes n’a pas voulu témoigner et a eu peur. Certains m’ont rattrapée pour me demander de déchirer le papier“.
Le document de synthèse de ce travail qui nous a été transmis répertorie en détail des cas qui vont de symptômes relativement légers, des acouphènes, de l’eczéma, des migraines, jusqu’à des maladies graves, leucémie ou cancer.
“Les statistiques montrent que la relation est certaine entre syndrome éolien et parcs voisins“, estime Jean-Louis Remouit, administrateur de la Fédération environnement durable, structure farouchement opposée à l’éolien en France, qui a apporté son expertise à l’association Sos Danger Éolien sur ce dossier. Il reconnaît néanmoins aussi les limites de l’exercice : “Bien sûr que les origines des maladies peuvent être multiples.” Mais pour lui, les plaignants “ont tous la conviction que c’est arrivé depuis que les éoliennes sont là. Il faut quand même y regarder de près“.
C’est d’ailleurs le but des anti-éoliens. Si les témoignages recueillis n’apportent pas la preuve scientifique d’un lien entre des maladies et l’éolien, ils entendent s’appuyer dessus pour pousser les autorités à enquêter sur le sujet. Pour cela, ces attestations ont été transmises à l’administration sous la forme de “réclamations icpe“. Une sorte de plainte prévue pour saisir l’administration de nuisances éventuelles générées par des installations industrielles comme le sont les parcs éoliens et dont un formulaire type est disponible en ligne.
Selon les opposants, ces documents ont été transmis successivement à l’ARS des Hauts de France et à la préfecture. Ils expliquent avoir également remis un rapport de synthèse au secrétaire général de la préfecture à l’occasion d’une entrevue le 5 janvier dernier. Pour Jean-Louis Remouit, cette démarche collective envers l’administration est plus efficace que des plaintes en justice qui, selon lui, n’aboutiraient pas. “On le fait en collectif, sur le plan juridique, cela donne plus de poids“.
À l’inverse, cette démarche laisse sceptique le représentant de France énergie éolienne qui représente 90 % des entreprises du secteur éolien en France. Mattias Vandenbulcke, son directeur de la stratégie, estime que le dossier repose uniquement sur du déclaratif et représente en fait peu d’habitants. “Je ne remets pas en cause la bonne foi, le ressenti des gens, ce n’est pas le sujet, mais quand on accuse de quelque chose, il faut le prouver. L’ensemble de la littérature scientifique a démenti“, estime le représentant. “Que des gens soient contre l’éolien ou les énergies renouvelables, c’est leur droit. En revanche, qu’on essaie de constituer des faisceaux de fausses informations, c’est une démarche qui essaie de semer le doute, qui est le préalable de la peur”, regrette-t-il, tout en mettant en avant les travaux de l’Académie de médecine ayant conclu que l’éolien “ne semble pas induire directement des pathologies organiques“.
De leur côté, les anti-éoliens restent dans l’attente d’une réaction des autorités à leur requête, mais ils envisagent déjà aller plus loin, probablement en portant le dossier devant le tribunal administratif. D’ici là, ils entendent continuer à recueillir de nouveaux témoignages.